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Borne Aux Cassots
commune de Nevy-sur-Seille


Aventure au Bout du Monde ou Escalade extrême dans la Borne Aux Cassots

Introduction
Le 16 février 2008 : La reconnaissance
Le 7 juin 2008 : Première tentative d'escalade
Le 2 août 2008 : Suite de l'escalade
Les 31 janvier 2009 et le 21 juillet 2009 : Portages en vue de l'assaut final
Les 25 et 26 juillet 2009 : L'assaut final
Août 2009 : Rapport pour le Spéléo Secours Français Essai de liaison radio par TPS Nicola entre la Borne Aux Cassots et la surface


Introduction

Le Bout du Monde est le principal affluent actif de la rivière du Réseau Pourri. Ce même cours d'eau conflue avec l'actif du Réseau Alain pour former le collecteur principal de la Borne aux Cassots.
C'est une galerie de type diaclase de quelques 400 mètres de long que l'on aborde après 2,800 kilomètres de progression dans la cavité.
Avec ses parties étroites qu'il faut contourner par en dessus ou en dessous. Ses secteurs plus ou moins effondrés. Ses passages plus ou moins humides. Nous y trouvons tout ce qui contribue à la progression habituelle et sympathique d'une spéléologie engagée.
L'arrêt actuel des explorations ce sont des cheminées d'alimentation active et non active. Certaines ont été remontées par différentes associations spéléologiques, hélas sans découvertes majeures jusqu'à ce jour (galerie supérieure, traversée…).
C'est à une de ces cheminées que nous allons nous intéresser ; l'une des plus extrême dans la progression et semblant de part ces dimensions la plus intéressante aussi.

En effet, l'espoir étant que cette cheminée recoupe la galerie de l'Automne à Pékin. La quête d'une suite dans ce secteur est très motivante car le Réseau Pourri comme le Réseau Alain sont des réseaux qui s'achèvent brutalement sur effondrement mais sous lesquels l'actif résurge.


Le 16 février 2008 : La reconnaissance

Une reconnaissance est effectuée le 16 Février 2008 par Nicolas Écarnot du S.C.Villeurbanne initiateur de cette sortie et Florent Lauthier du S.C.Paris.

C'est une diaclase imposante de 1,5m de large sur ? de haut. On doit d'abord escalader un gros bloc coincé, puis son petit frère, et on arrive à la base de l'escalade tant souhaitée. Comme me l'avait dit Christian Vuillemin, on y trouve un vieux piton du G.S.Jurassien et un bout de rubalise. Un coup de phare vers le haut ne montre qu'une immense verticale noire.
D'après les infos que j'ai pu glaner, il s'agirait d'une cheminée de 80m, dont les 50 premiers mètres auraient été remontés par deux spéléos dijonnais. Il y aurait trouvé un boyau horizontal au sujet duquel je n'ai pas d'info.
Après réflexion, à part l'incohérence des dimensions, la description de cette escalade ressemble fortement à celle de la branche de droite. Difficile de s'y retrouver dans ces rumeurs.

Le but de cette sortie était donc d'aller voir à quoi ressemblait la roche au départ de cette escalade.
Conclusion : on va sans doute préférer les goujons de 8cm aux petits goujons de 4cm

Nicolas Ecarnot

Le 7 juin 2008 : Première tentative d'escalade

Une première tentative est effectuée le 07 Juin 2008 organisée par Nicolas. L'équipe qu'il a constituée est formée de Florent Lauthier que l'on connait déjà, ainsi que Emmanuel Baud (Manu) et Jean-Pascal Grenier (J.P) du S.C.Lédonien.

Après plus de trois mois d'acharnement pour trouver des informations, monter une équipe, trouver un créneau météo, des porteurs, du matériel, cette escalade a enfin pu débuter ce week-end. En complément de mon camarade habituel d'infortune (Flo) dans ce réseau, les deux jurassiens Manu et JP se sont proposé pour effectuer le portage du matériel d'escalade au fond de ce réseau exigeant. Cette escalade n'aurait jamais pu avoir lieu sans leur aide précieuse. La fin de ce réseau ne présente aucune difficulté technique, mais se trouve loin de l'entrée, et oppose de nombreuses étroitures et un cheminement très physique. L'ensemble de l'explo est objectivement très pénible.

Après 4 heures de progression d'abord dans de vastes éboulis, puis dans l'exigeant méandre qui suit le Carrefour de la Pomme, nous voilà arrivés à la base de cette immense cheminée.
Nico commence l'escalade en libre sur une dizaine de mètres, jusqu'à un vieux spit à côté duquel se trouve une petite boîte métallique peinte en rouge, contenant une quinzaine de spits pris dans la rouille.
Après 10m supplémentaires en libre, on arrive à une deuxième vieille plaquette frappée "GP" + maillon + mousqueton rouillé. Nico renforce le tout d'un bon point et fait relais. On se trouve alors au sommet d'un P10 parallèle non descendu par nous... Ce puits retombe-t-il dans l'actif ?
Florent monte alors à ce relais et continue d'assurer.
Nico poursuit l'escalade vers le bord nord de la cheminée. On trouve une dernière vieille plaquette + mousqueton au pied d'une cheminée parallèle mais qui semble comblée d'un éboulis. On décide alors de rester dans la cheminée principale et on attaque l'escalade en artif.
Trois goujons de 8mm plus haut, Nico descend et passe la main à Flo qui progresse en tout de 10m, pose un relais béton et laisse une stat sur bunny.
En montant, la roche est devenue saine et on s'est autorisé des points de 4m de progression.

Durant ce temps, les deux jurassiens sont restés à peu près au chaud sous les couvertures de survie que nous avions prévues et abandonnées.
Après trente mètres en tout, nous abrégeons leur souffrance, redescendons et quittons les lieux.

La tentative d'éclairage du sommet ne permet pas d'estimer la hauteur totale. Trente mètres plus haut, le constat reste le même ! Il faut poursuivre.

TPST : 13h30

Nicolas Ecarnot

Le 2 août 2008 : Suite de l'escalade

Une suite à cette escalade est programmée le 02 Août 2008 avec les mêmes explorateurs : Nicolas Écarnot et Emmanuel Baud mais sans toutefois conclure.

Après environ 4 heures de progression (comprenant une bonne collation), nous arrivons au pied de la fameuse cheminée où nous retrouvons le petit matériel laissé il y a moins d'un mois.
Les couvertures de survie sont couvertes de condensation, les mousquetons zicral sont couverts d'une mousse malsaine, corrosion hyper rapide qui n'est pas sans rappeler un certain article sur l'usure rapide du matériel dans les cavités d'outre-Quiévrain.
La pelotte de fil destinée à tendre les couvertures est désormais une très grosse boule de moisissure grise. Une telle vitesse de dégradation est impressionnante et renseigne sur le type d'amarrage qu'il faudra laisser en fixe lorsqu'on décidera d'équiper (ou non) de manière plus conventionnelle l'accès à cette cheminée.

On embarque tout ça et on rejoint le premier relais à environ 17m du sol.
Vers la gauche se trouve une petite rampe remontante que j'explore. Cinq mètres plus loin on arrive sur un colmatage de blocs au pied d'une cheminée parallèle comblée en son sommet. Rien de bien prometteur.
Vers la droite se trouve la suite de ce qu'on avait équipé la dernière fois. L'autre cheminée parallèle qu'on avait vu et au départ de laquelle je n'avais pas vu d'équipement est en fait spitée. En tout cas, Manu a vu un spit au départ de cette cheminée.
L'escalade dans cette cheminée parallèle semble plus aisée car les pas en libre y semblent possibles. Mais nous ne nous y sommes pas engagés, craignant qu'elle ne permette pas de déboucher plus haut pour retrouver la cheminée principale.

Depuis ce relais le phare amené par Manu nous permet d'apercevoir une haute lucarne à une vingtaine de mètres au dessus du dernier relais. L'éclairage du sommet semble montrer un plafond d'effondrement sans permettre de voir les abords.

On est donc monté au dernier relais posé en juillet avec Florent lors de la sortie assistée par Manu et Jean-Pascal. On se trouve environ 10m plus haut, soit au total à environ 25m du sol.

La suite est complètement verticale, dans un rocher qui va en s'empirant.
Les quatre derniers points avant d'atteindre la lucarne se font en transpirant, priant, jurant et en apnée.
L'assureur est presque plus exposé que le grimpeur, l'accès à cette lucarne étant particulièrement ébouleux. Je balance ainsi plusieurs pavés sur Manu qui tel Keanu Reeves dans Matrix les évite (parfois) par miracle.

Je me trouve dans cette lucarne environ 20m au dessus du dernier relais.
2m sous ce relais, j'ai vu une mini lucarne impénétrable qui donne dans la cheminée parallèle que nous avons snobée.
Soit cette cheminée parallèle ne débouche jamais, ce que je crois, soit elle débouche bien plus haut... Dans la grande lucarne, j'ai pris pied dans une petite galerie d'1,5m de large, longue de 5m, et au pied d'une cheminée que j'estime de 12m.
Au plafond de cette cheminée se trouve deux orifices noirs en lunettes, dont le plus gros trou doit faire 1,5m de diamètre.
Cette future escalade se fera dans des conditions certainement plus sereines que jusqu'alors, le vide n'étant plus omniprésent et l'assureur pouvant aisément se décaler.
Au pied de cette cheminée je plante alors deux goujons de 8mm (un de 80mm et un de 40mm, sur mousquetons), tête de main-courante béton pour aller planter mon mickey de tête de puits (deux goujons de 8mm x 80mm, sur maillons rapides), le tout en corde de 10,5 (un vrai câble tout neuf).
Puis on sort en 3h30.

TPST : 12h.

Reste à faire :
- Poursuivre l'escalade dans la cheminée des Lunettes. 12m faciles car non-gazeux. Cependant, qualité de la roche très incertaine, si à l'image de ce qui précède.
- Eventuellement, mettre un coup de phare vers le haut de la cheminée principale depuis le dernier relais, histoire de voir s'il est opportun de poursuivre l'escalade de cette grande cheminée.

Ayant vu l'état de corrosion rapide des mousquetons de dégaines laissées moins d'un mois au fond, nous les avons ressorti. Le portage s'en trouve alourdi mais c'est préférable.
Se trouve sur place :
- trois couvertures de survie
- des nouilles chinoises
- 25m de corde dynamique (bien glaiseuse)
- un double étrier alu hyper confort
- de la ferraille (goujons, maillons rapides, spits ?)
- et la stat qui est désormais fixée en haut dispose d'un max de rabe, qu'il faudra faire remonter à la prochaine expédition.

Ce chantier doit être collectif. Que celui qui veut aller continuer ne s'en prive pas (hein Vincent : o)

Petit bilan sur les dimensions :
- du sol jusqu'au premier relais (à faire en escalade libre, contre-assuré par la corde) : 17m
- de R1 à R2 : 10m
- de R2 à R3 (la lucarne) : 20m
- de R3 au sommet de la grande cheminée : environ 20m
- de R3 au sommet de la cheminée des lunettes : environ 12m Donc la grande cheminée doit mesurer environ 57m.
- du sommet des Lunettes jusqu'à la doline du champ des Creux …?m

Nicolas Ecarnot

Les 31 janvier et le 21 juillet 2009 : Portages en vue de l'assaut final

Il devient évident vu les difficultés rencontrées qu'une expédition plus musclée doit être mise en place. Manu en arrive à l'idée d'un bivouac permettant aux équipes d'escalades d'aller au bout d'eux-mêmes sans avoir le souci d'en garder sous la pédale pour le retour.
Cette aventure à été longuement mûrie et préparée dans ses moindres détails principalement par Manu et Nicolas.

Pour ne pas surcharger l'équipe de pointe qui devra emporter le dernier jour : perforateur, accus, T.P.S et autres denrées très périssables et fragiles en milieu souterrain, plusieurs sorties effectuées dans le secteur et pas obligatoirement dédiées à ce but, acheminent progressivement le matériel nécessaire.

Ces divers ravitaillements se font les 31 Janvier et 21 juillet 2009.

Pour faciliter la sortie du week-end prochain (escalade cheminée du Bout du Monde), avec JP nous apportons un peu de matériel au bivouac: tapis de sol, duvet, 2.5 litres d'eau, marteau + tamponnoir, 10 amarrages inox + 5 mousquetons inox
Nous entrons vers 10h45, je règle mon altimètre en espérant pouvoir faire des mesures sous terre.

La progression se fait tranquillement, les tapis de sols nous ralentissent dans les étroitures.
Je franchi seul le shunt de l'Attendrisseur, JP me passe les kits dans l'étroiture puis se retourne pour poursuivre par l'Attendrisseur.
Au niveau de la cheminée Casse Doigt je récupère la corde en place pour la mettre à l'escalade menant à la Grande Cave (la corde en place à ce niveau doit avoir dans les 20/25 ans . . .)
Pause casse croûte au bivouac puis JP va visiter l'Automne à Pékin pendant que je fractionne la verticale de 10m menant à ce réseau (j'utilise un spit en place qui a servi pour l'artif). Le frottement est maintenant réduit sur quelques mètres d'ascension.
Nous ressortons légers en à peine 2 heures, en tous cas beaucoup moins de temps qu'à l'aller.
A 18h45 la forte chaleur et le vent de sud nous ramènent brutalement dans le monde extérieur.

Le siphon était très bas, peu d'eau et en-dessous des bottes. Avec mon altimètre j'ai mesuré -15m au siphon ce qui semble douteux ; +50m à la rivière niveau Grandes Orgues ; +80m à la Grande Cave et +90m au départ de l'Automne à Pékin.

Manu

Les 25 et 26 juillet 2009 : L'assaut final

L'exploration définitive, ce que nous espérons, est effective le 25 et 26 Juillet 2009.

Ce matin là à 9h, Nicolas, Manu, Michel et moi nous nous retrouvons sur le parking de la grotte.
Michel à apporté le système Nicola de télécommunication par le sol. Je suis chargé d'installer un émetteur/récepteur au bivouac. Après réglage et prise de contact avec Michel qui lui, placera un poste en surface, je regagnerai la sortie.
Dans la soirée et dans une fourchette de 21/22h nous procèderons à une vacation radio avec l'équipe Manu/Nicolas.
Suivant les informations qu'ils nous transmettront ; soit le lendemain nous foncerons pour l'exploration de la tant désirée première ; soit nous irons à leur rencontre pour les aider au portage des équipements à ressortir obligatoirement.
Nous nous réglons également sur un premier calage entre 12/14h. Au-delà de cette heure il est convenu que nous stopperons les essais quelque soit le résultat.

Les kits bien chargés, nous entrons dans la cavité ; il est 10h 15. Tranquillement, de toute façon lestés comme nous le sommes il est difficile de jouer les springboks, nous progressons tout en nous instruisant auprès de Nicolas aux arcanes informatiques. Je ne suis pas sur d'avoir tout retenu.
Le Shunt ; comme d'habitude il y a juste un peu trop d'os ou de roche là où il ne faut pas pour que je puisse passer. Donc : direction l'Attendrisseur en solo mais sans kits ; c'est toujours ça.
Au débouché du passage, mes camarades de jeux m'attendent déjà. Nous nous octroyons une petite pause et direction la Grande Cave, lieu du bivouac choisi par Manu.
Il est vrai que le site fait très cocooning avec sa voute en berceau et son sol d'argile douce et sèche. En outre, éloigné de la rivière qui coule plus bas cela évitera aux bivouaqueurs d'entendre des équipes d'explorateurs défiler sans arrêt. Phénomène acoustique bien connu des spéléos. Bien sur il y a cette petite percolation qui goutte dans un bassin pas loin de la tente mais c'est un moindre mal.

Aussitôt je me mets à la recherche de l'emplacement propice où placer les antennes du " Nicola " et il faut faire vite car chargés comme nous le sommes nous avons pris du retard. Il est 13 heures 30 et Michel, là haut doit déjà procédé aux essais.
L'endroit déterminé, nous installons les tresses bien au contact avec la roche et maintenues par des placages d'argile. Je connecte au poste émetteur/récepteur, règle les contacts et lance le premier appel : " Michel ici bivouac comment me reçois-tu ? à vous, parlez ".
Seul le souffle régulier entrecoupé de quelques grésillements de l'appareil me répond. Pendant ce temps là, Manu et Nicolas font l'inventaire du matériel qu'ils vont emporter pour l'assaut final et préparent un repas chaud.
14 heures ; après de nombreux messages et avoir procédé à tous les réglages possibles, toujours pas de réponses de Michel. Peut-être a-t-il eu un problème ?
L'équipe de pointe va me quitter. Nous décidons néanmoins de laisser le T.P.S en place et maintenir la vacation. Sait-on jamais, nous aurons peut-être plus de chance ce soir.

Je vois Manu et Nicolas partir lourdement chargés. Ce dernier un peu soucieux car de sa dernière escalade il a rapporté un souvenir maussade en rapport avec l'état de la roche.
Il est encore tôt pour moi de rentrer. J'ai donc le temps de stabiliser une plateforme bien horizontale et installe la tente qui d'un seul coup illumine le paysage. Ce soir, de retour complètement fourbu au bivouac, notre binôme sera bien heureux de tout trouver en place.

Je boucle ensuite mon kit, ferme le " Nicola " et repars vers le soleil. Tout au long du parcours, mes pas me guident vers la sortie alors que mon esprit vagabonde tout là bas, vers cette escalade qu'empoignent à bras le corps les vaillants aventuriers. Un coup à se casser la g...

En partant, je fais grise mine en me souvenant de la piètre qualité de la roche remontée en août 2008. Le moral n'est pas au beau fixe, d'autant moins joyeux en prévision du méandre du Bout du Monde, fameux combat entre la roche, le spéléo, son kit, l'eau et la boue.
Au terme de cette lutte dont nous sortons encore une fois victorieux mais fourbus, nous parvenons au pied de la grande cheminée.

La corde dynamique laissée en bas est complètement recouverte de moisissure et gorgée de glaise, donc Manu va la nettoyer dans le gour proche. Une pelote de fil laissée là pour soutenir la couverture de survie s'est littéralement dissoute : le doigt s'enfonce dans une sorte de bouillie...
Je commence la remontée sur les cordes fixes, bien en avance sur Manu pour éviter de la parpiner comme à mon habitude en ces lieux.
Arrivé en haut de l'escalade précédente, je constate que si les plaquettes sont intactes, les goujons présentent déjà de légères traces de corrosion. Les mousquetons neufs que j'avais laissé montrent quelques traces de ce gel transparent désormais connu et issu d'une lente corrosion.

Alors que Manu me rejoint, je commence à m'équiper pour la suite de l'escalade dans la cheminée des Lunettes. En fait, aucune trace de lunettes plus haut, mais un palier sans doute à +12m.
Je découvre en grimaçant que j'ai oublié mon crochet fifi, petit accessoire minuscule, mais essentiel dans une progression en escalade artificielle. Je le remplacerai par une demi-dégaine passée dans mon MAVC, ce qui fera l'affaire. Tant pis, je percerai moins haut, chaque pas sera moins efficace.

Nous nous trouvons alors sur un bon palier, et plus en plein gaz dans la cheminée principale. Ce qui nous entoure n'est toujours pas de la roche, mais des murs de boue dans lesquels on enfonce la main sur 5 à 15 centimètres. Trouver de la roche saine sur laquelle le marteau sonne clair reste un challenge. Après une petite escalade sur des concrétions de boue qui s'écroulent, je donne quelques coups de marteau dans une face blanche et le tant attendu "TING TING TING" du marteau se fait enfin entendre. Nous hurlons de joie, le moral bascule au beau fixe et c'est parti pour 10m de grimpe au perfo.

Aujourd'hui, la nouveauté de cette escalade réside dans l'usage des Multi-Monti, alias "MMS". L'ancienne technique consistait à percer à 8mm, y planter un goujon (avec éventuellement double cône d'expansion), de s'y pendre puis de l'abandonner, et donc perdre de l'argent et polluer la paroi.

Avec les MMS, voici les nouveautés :
- On perce à 6mm, donc on économise les accus du perfo
- Le perçage est très rapide, donc on économise les forces du grimpeur
- Un MMS est une vis munie d'un filetage de diamètre constant. Si le début du vissage est un peu pénible, une fois attaqué, la suite se visse sans forcer.
- Dans le cas d'un principe d'expansion (spit, goujon), le lieu de l'expansion se doit d'être irréprochable. Si on perce dans un endroit qui sonne clair, mais dont le fond est poreux, l'expansion aura lieu dans une roche tendre, et ne se fera donc pas ou mal. Dans le cas du MMS, la cohérence entre la roche et la vis a lieu sur l'intégralité de la longueur, et permet donc une bonne tenue même dans un matériau hétérogène. J'ai énormément apprécié cette qualité au bout du monde, dans une roche gréseuse et parfois poreuse.
- Une fois l'escalade terminée et les points sommitaux posés, on peut retirer les points de progression sans laisser de traces autre que les minuscules trous de 6mm, facilement bouchés d'un doigt de glaise.

Alors que je termine l'escalade de la section de roche à peu près saine, il ne me reste presque plus de dégaine ni de MMS. Manu me mouline donc et je déséquipe mes 5 premiers points, je remonte et je poursuis l'escalade. Voila l'un des principes des MMS directement mis en application !
Les derniers mètres sont foireux, et je dois gratter une bonne couche de boue avant de trouver de quoi planter chaque point.
Je débouche alors sur un dernier palier, d'un mètre de large sur 5 mètres de long et 3 mètres de haut.
Le plafond est une grosse dalle parcourue par un chenal de voûte.
Une petite escalade rapide ne montre aucun départ évident de chaque côté. Il semblerait que ce soit la fin de l'aventure pour cette cheminée. Ce plafond est environ à 10m du plafond de la grande cheminée.
En aout 2008, Manu et moi avions amené un phare au pied de cette grande cheminée, et du bas, nous n'avions pas vu de départ évident au sommet.
L'équipe qui viendra topographier cette escalade sera bien inspirée d'emmener le même phare et faire la même exploration mais depuis le milieu des cordes fixes, ce que nous n'avons pas pu faire.

De ce palier, j'installe une tête de main courante sur deux MMS, puis tête de puits de même. Nous déciderons plus tard que faire de cet équipement.
Je descends rejoindre Manu au palier précédent, lui monte, observe, et déséquipe les MMS de l'escalade. Entre mon palier et le fractio du dessous, les plaquettes n'ont pas encore été déséquipées. Ce travail sera à la charge de l'équipe topo.

Nous redescendons, retraversons le méandre maudit, dont la progression est encore pire qu'à l'aller car nous sommes alourdis par le matériel d'artif que nous décidons de rapprocher de la sortie (étriers, dégaines, amarrages et corde dynamique)

Au Carrefour de la Pomme, nous rejoignons le bivouac de la Grande Cave vers 21 h.
Nous nous restaurons et allumons le Téléphone Par Sol.
Alors que les essais du midi sont restés infructueux, c'est avec émotion que l'on entend la voix de Michel :
"Bivouac pour surface, est-ce que vous me recevez ? Parlez."

Nicolas Ecarnot

Dans la soirée, vers 20 heures 45, avec Michel nous allons sur le plateau, proche de Château Chalon là où d'après le report topographique de la Borne aux Cassots se situe le Réseau Pourri et la galerie de la Grande Cave plus précisément, pour tenter une nouvelle fois une liaison radio par sol avec le bivouac.
Après résumés respectifs, l'absence de contact de ce début d'après midi s'explique.
Michel a commencé ses essais proches, vers 12/13 heures alors que nous n'étions qu'en progression. Progressivement il s'est éloigné à la recherche du signal et à 14 heures il a stoppé toutes communications comme nous avions convenu alors que c'est vers cette heure là que nous étions réceptifs.

Nous nous installons donc sur le premier site sélectionné par Michel, près d'un hangar agricole. Cela peut s'avérer utile un poste abrité. Aussitôt le matériel opérationnel nous entendons la voix de Nicolas.
Il semble que l'équipe bivouac nous reçoive parfaitement. Par contre en surface, l'émission est quelque peu brouillée par le parasitage ambiant et ce malgré les multiples réglages que nous tentons. Néanmoins, tout est audible.

La réception est un souffle continu, sur lequel le signal de surface se fait entendre d'une qualité proche du téléphone classique.
C'est impressionnant !
D'après eux, les opérateurs en surface pâtissent d'une qualité moindre due aux brouillages extérieur (ligne HT, circulation routière...) mais permettant néanmoins un échange d'information fiable.
L'épaisseur de matériau traversée est estimée à 115m.

Après avoir rendu compte de l'exploration en artif et du bivouac, quelques plaisanteries plus tard mettent un terme à cet échange au cours duquel Michel nous promet de venir nous réveiller à 7h le lendemain (!) A l'origine, seul Vout Vout est prévu pour venir nous épauler dans le portage au niveau de la galerie du Gypse, donc c'est en rigolant que j'entends ça. Manu me sort alors le leitmotiv de cette sortie : "Tu ne connais pas Michel !"
A plusieurs reprises, j'aurai l'occasion de comprendre la portée de cette remarque...

Nicolas Ecarnot

Tardivement nous regagnons nos " bivouacs " respectifs. Tardivement car entre temps est passé le propriétaire du hangar, Mr Daumard, intrigué par notre présence. Nous avons une conversation intéressante et constructive d'où il ressort que ce monsieur est très positif à ce que nous faisons.


Michel me fait part d'aller réveiller, demain matin, nos deux spéléos vers les 7 heures comme il leur a promis pour effectuer quelques relevés topographique.
" Non ! Lui dis-je incrédule, tu ne vas leurs faire ça ! " .
Mais connaissant ce diable d'homme je rajoute :
" Apporte-leur au moins les croissants ".

Nous nous enfilons alors dans la tente gentiment montée par Vout Vout, faisons brûler une, puis deux bougies longue durée au fond d'une casserole, afin de réchauffer et assécher l'atmosphère de la tente. Manu dans son duvet compatit sur mon sort et mon absence de duvet. Le sien fut amené lors d'un pré-portage, le mien, trop gros, a du rester dans le coffre de la voiture. Deux sur-sacs n'amélioreront guère mon état sub-calorifique.

Dans la Grande Cave, nous sommes loin de la rivière. Vout Vout nous avait mis en garde contre les voix que les bivouaqueurs entendent au cours des nuits passées trop près d'un cours d'eau. Personnellement, le léger plic-ploc proche de la tente m'a quand même permit d'entendre très clairement quelqu'un me dire "Coucou" vers 1h du matin...

Vers 7h nous mangeons, puis enfilons avec une joie non dissimulée nos chaussons néoprène, notre combinaison pleine de boue et nos gants glacés. L'ensemble du Bout du Monde n'est pas très sale, mais l'escalade de la grande cheminée est innommable. On y double notre poids en glaise.

Alors que nous nous apprêtons à descendre le P8 de la Grande Cave, Michel pointe son casque. Non seulement l'animal a tenu promesse et s'est levé quand Dutronc se couche, mais il a amené du matériel topo destiné à certaines galeries proches.
Nous lui expliquons notre état de lassitude, et le compromis consiste à l'aider à désober le sommet du P8, à envoyer en bas une partie de la trémie suspendue au sommet de ce puits afin de le laisser faire 5 mètres de première sous un éboulis instable. ("Tu ne connais pas Michel...")

On repart direction la sortie, et c'est à un rythme forcément calme que nous progressons. Sur le trajet, au niveau de la Coulée Décollée, Michel fait une quinzaine de mètres en escalade solo pour vérifier que cette petite galerie suspendue a bien été déjà parcourue. ("Tu ne connais pas Michel...")

Au niveau du shunt de l'Attendrisseur, Manu, puis moi repassons par l'étroiture encore plus étroite, rapport aux derniers éboulements. Mon sternum est compressé, ma mini frontale de secours se coince, mais ça fini par passer. Michel, en dernière position, ne se satisfait pas de cet aménagement, gratte le sol tant et si bien qu'il déloge une pierre gênante au sol, ce qui agrandit le passage, mais n'améliore pas la stabilité de ce tas de blocs.

Dans l'un des éboulis, nous retrouvons Vout Vout qui a dépassé deux spéléos allemands du nord à qui nous souhaitons "Willkommen", puis nous sortons faire sécher le matériel sous le soleil jurassien ; il est 11h 30.

TPST : 25h15 (précis)

Nicolas Ecarnot

Ce dimanche matin vers 10 heures sur le parking de la Borne aux Cassots, il y a déjà la voiture de Michel, évidemment. Également, deux spéléos Allemands se préparent pour une virée au Réseau Supérieur.
Muni d'un kit vide et d'un thermo de thé pour Manu et Nicolas, je pars à leur rencontre histoire de les alléger un peu de leur fardeau.
Je retrouve le trio cheminant, vers la Cabane du Berger en grande narration historique de Michel.
Tombés en panne de carburant pour le réchaud, le thé chaud et sucré semble bien apprécié. Je ne sais pas si Michel à finalement apporté les croissants.

Vout Vout

Estimation de la hauteur totale de l'escalade: 47m mesuré à l'altimètre. A cela il faut ajouter 11m parcourus en opposition entre l'actif du bout du bout du monde et le départ de l'escalade.
Tout cela nous amène au sommet de l'escalade vers +140m (+ ou - 10m) soit à 30m de la surface. Ces estimations devront être vérifiées avec la topo.

Manu

Août 2009 : Liaison radio par TPS Nicola

Rapport très officiel de Michel pour le Spéléo Secours Français Jurassien.

ESSAI DE LIAISON RADIO
PAR TPS NICOLA
ENTRE LA BORNE AUX CASSOTS ET LA SURFACE

DATE MANOEUVRE : 25/26 juillet 2009

BUT DE L'OPÉRATION : Vérifier la possibilité de liaison radio par Téléphone Par le Sol entre l'amont d'une galerie de la grotte Borne aux Cassots à Nevy sur Seille et l'extérieur au dessus de la cavité, sur le plateau de Château-Chalon.

La Borne aux Cassots, plus longue grotte actuellement connue du Jura développe 18 Km de galeries explorées, et offre un potentiel de découverte de plusieurs Km. Elle est donc sujette à de nombreuses visites de spéléologues, soit en simples " touristes ", ou en explorateurs, topographes, etc.

En conséquence il est important pour le Spéléo-Secours Français de s'assurer des possibilités de contact entre une équipe devant intervenir au fond d'un des réseaux de la grotte et les secours en surface.

Une liaison par téléphone filaire reste possible, mais avec la nécessité de mettre en place plusieurs kilomètres de fil, ce qui demande un délai et du personnel, d'où l'avantage que l'on aurait à communiquer par TPS, si les couches de calcaire assurent correctement le passage des ondes.

Le massif dans lequel se développe la Borne aux Cassots est constitué d'épaisses strates de calcaire, avec des niveaux à importantes interstrates marneuses, et de plus des croisements de failles compartimentent le plateau, tout cela pouvant nous faire craindre des difficultés de transmission des ondes.

CHOIX DU LIEU : La Galerie de la Grande Cave est une galerie en demi cylindre au sol argileux permettant l'installation d'un camp de base pour les équipes travaillant dans ce secteur, à environ 3 km de l'entrée, soit à 2 h de marche pour un spéléologue sans matériel, ou 3 h 30 s'il porte du matériel, avec un cheminement d'accès très difficile (étroitures, grands éboulis argileux, escalade).

PARTICIPANTS : En surface : Michel MENIN, rejoint le soir par Christian VUILLEMIN.
Sous terre: Emmanuel BAUD, Nicolas ECARNOT, et Christian VUILLEMIN ce dernier pour la mise en place du poste et les essais de midi seulement.

LE POSTE SOUS TERRE : La Galerie de la Grande Cave est orientée d'ouest en est, et plus exactement à 95°.
L'angle aigu que forme la voûte avec le sol ne permet pas de plaquer les antennes contre la roche au niveau du sol, alors il est choisi de les coller sous la voûte par points avec des paquets d'argile, ce qui tient parfaitement.
L'écartement entre les antennes n'est que de 25 m, qui correspondent à la longueur de la galerie.
Il n'a pas été emmené les fiches à planter dans l'argile ni l'amplificateur pour réduire la charge des transporteurs déjà lourdement équipés pour une escalade programmée avec cette sortie et leur bivouac.

LE POSTE EN SURFACE : à la verticale de la grande Cave le terrain est une vaste cuvette peu profonde où se sont produits des effondrements sur des cavités, mettant à jour une couche de 2 m d'argile peu favorable au passage des ondes, mais coté ouest est une colline dont forcément le sol rocheux sera proche de la surface.
Sur cette colline est un hangar agricole dont les travaux de construction ont mis à jour les affleurements rocheux, qui permettront de placer les antennes.
Le propriétaire du hangar Monsieur DAUMARD n'étant pas chez lui à Château-Chalon je m'installe sans son autorisation. (Il viendra nous trouver lors de l'essai du soir, très intéressé par nos explications).
L'écartement entre les antennes est de 40 m.
L'épaisseur de roche au dessus de la Grande Cave est de 90 m à la verticale, soit 115 m en oblique entre les deux postes.

ESSAIS DE CONTACT A MIDI : Des contacts ont été prévus de 12 h à 14 h avec arrêt des essais à 14 h en cas d'échec.
L'appareil à l'extérieur a un fort grésillement, et aucun contact ne s'établit.
À 12 h 30 je replie rapidement le matériel pour m'installer dans la cuvette plus près de la verticale de la Grande Cave, mais sans plus de succès.
Dans l'éventualité d'un mauvais report en surface de la position de la Grande Cave je change de lieu encore deux fois sans plus de succès.
À 14 h fin de l'opération.
À 18 h Christian VUILLEMIN est ressortit de la grotte et m'apprend que retardée par le lourd portage l'équipe sous terre est arrivée tard à la Grande Cave, et le TPS était opérationnel à 13 h 45.
Mais à 13 h 45 mon ultime tentative éloignée de l'aplomb de la Grande Cave a été faite avec la mauvaise orientation de mon antenne (volontairement au cas où sous terre des contraintes aient obligé à placer le poste ailleurs).
Christian à eu la bonne idée de laisser le poste au bivouac, ce qui permettra de refaire les essais le soir à 21 h.

ESSAI DE CONTACT A 21 h: Le poste en surface est replacé sur la colline près du hangar.
À 21 h le contact radio est établi.
Le poste à la Grande Cave nous reçoit clair et net.
En surface le son est brouillé par le grésillement mais reste audible, il nous faut toutefois répéter des parties de message pour s'assurer de leur bonne compréhension.
À 22 h fin de l'opération.

POSITION DU POSTE EN SURFACE:
Lieu-dit Champ Roussot, X: 854,43, Y: 220,05 Z Alt. 484 M

Michel Menin